Nouvelles 19 JAN 2015

L’AMA s’entretient avec Valérie Fourneyron

Médecin de formation et ancienne ministre des Sports, Valérie Fourneyron n’est pas un pur produit politique. C’est plutôt sa passion pour le sport et la santé qui l’y ont menée. Franc Jeu s’est entretenu avec Mme Fourneyron sur son nouveau rôle à l’AMA et sur les défis qui attendent la communauté antidopage.

 

Votre mandat de présidente du Comité Santé, médecine et recherche (SMR) débutera en janvier 2015. On dit que votre bagage scientifique et votre profonde connaissance du dopage faisaient de vous la personne toute désignée pour ce poste. Qu’en pensez-vous?

Valérie Fourneyron : C’est très gentil à vous de le dire! Préserver un sport propre a été la colonne vertébrale de mon parcours personnel, professionnel et politique. J’ai commencé mes études de médecine en me disant que je voulais faire de la médecine du sport. J’ai donc orienté toute ma formation vers cette spécialité médicale, ce qui était assez rare à l’époque. Je me suis beaucoup occupée de sportifs et d’équipes de haut niveau en volleyball, hockey sur glace et basket et cela sans jamais délaisser l’approche du sport pour tous, à savoir les gens qui faisaient du sport pour le loisir et la santé.

Puis j’ai eu une première expérience au ministère des Sports, en 1989, où l’on m’a confié la restructuration de l’organisation de la médecine du sport française. À cette occasion, j’ai travaillé sur la rédaction de la Loi 89 en France[1], qui a introduit la prévention et l’éducation dans la législation française, et grâce à laquelle les mesures disciplinaires dans des cas de dopage deviennent de la compétence du mouvement sportif et non des tribunaux. À l’époque, le cas Ben Johnson, en 1988, avait eu un impact et il fallait adapter notre loi.

Cette expérience au ministère m’a donné l’occasion de travailler sur le suivi des sportifs de haut niveau, leur préparation, et aussi sur le dopage et la mise en place des politiques de prévention. J’ai ensuite commencé à faire de la politique, en 1995, en parallèle avec mon activité professionnelle. Le sport et la santé ont donc été ma porte d’entrée en politique. Adjointe aux sports de ma ville, puis de ma région, avant d’être députée et Maire de la ville de Rouen, capitale de la Haute-Normandie, ce parcours m’a menée vers le Ministère de la Jeunesse et des Sports en 2012, et vers le poste de représentante du Conseil de l’Europe au sein du Comité exécutif de l’AMA, pour lequel je me suis beaucoup impliquée. La présidence du Comité SMR est en quelque sorte au cœur de mon parcours professionnel et de mon expérience de la diplomatie sportive. Je trouve qu’il y a un engagement, une histoire qui se poursuit à l’occasion de cette nomination à cette fonction.

Vous succédez à un géant de l’antidopage, le Professeur Arne Ljungqvist. Quelles sont vos impressions sur ce qu’il a accompli?

VF : C’est une figure essentielle de la lutte antidopage. Je crois que la richesse de sa personnalité, à la fois humaine et scientifique, l’ensemble de sa connaissance du monde du sport, son expérience à l’IAAF et à la Commission médicale du CIO font qu’aujourd’hui, cette reconnaissance est extrêmement légitime. Et elle est partagée. C’était très important pour moi d’avoir son soutien, de faire preuve d’humilité et de pouvoir bénéficier de ses conseils. Je crois qu’on a le devoir d’apprendre des autres, quel que soit son parcours.

C’est la première fois que la présidence du Comité SMR n’est pas assurée par un membre du Comité international olympique (CIO). Quelles sont vos réflexions sur ce point?

VF : L’une des richesses de l’Agence mondiale antidopage est cet équilibre entre les représentants du mouvement sportif et les gouvernements. C’est la force de l’agence – son financement partagé, sa gouvernance alternée. Il est important de travailler ensemble dans l’intérêt collectif pour protéger l’éthique du sport et les sportifs propres.

Le département Science de l’AMA touche à l’essence de la mission de l’Agence : l’accréditation des laboratoires, la Liste des méthodes et substances interdites, le programme de recherche. Comment envisagez-vous votre mandat?

VF : À nouveau, il faut trouver le bon équilibre. Il n’est pas question de ne pas m’impliquer pleinement dans les trois grandes missions du comité. C’est à la présidence que reviennent la définition de la stratégie, les orientations et la capacité à innover. L’organisation scientifique est performante, confiée à un groupe d’experts et appuyée par une administration de très grande qualité. Pour moi, une véritable présidence doit donner des orientations et être capable d’inviter les membres du comité à réfléchir à des évolutions qui sont vraiment au service d’un sport propre, au service de l’AMA.

De façon plus générale, quels sont les défis qui attendent la communauté antidopage alors que nous entrons dans la phase de mise en application du Code mondial antidopage révisé?

VF : L’enjeu majeur, c’est bien sûr la conformité au nouveau Code mondial antidopage à l’échelle globale, pour l’ensemble des signataires de la Convention internationale de l’UNESCO. L’AMA est l’autorité de régulation qui doit pouvoir accompagner tous ses partenaires – fédérations internationales, gouvernements, laboratoires, organisations nationales et régionales antidopage – dans la lutte contre le dopage. Et le résultat doit être à la hauteur des trois ans de travaux de très grande qualité qui ont été menés de manière participative pour aboutir à ce nouveau Code et à ses nouvelles dispositions, notamment la proportionnalité des sanctions, le respect des droits des sportifs, l’environnement des sportifs, les preuves indirectes avec le suivi de l’évolution du Passeport biologique de l’Athlète.

Le prochain président de l’AMA, dans quelques années, sera un représentant des gouvernements. Ce poste pourrait-il vous intéresser?

VF : [Sourire] Je n’ai absolument pas eu un parcours politique classique. Je vis et je fais les choses toujours avec passion et engagement. Mais je n’écris pas l’avenir – je n’ai pas de plan de carrière, je n’en ai jamais eu. Sans avoir jamais construit de parcours politique, j’ai été maire d’une capitale régionale, j’ai été députée, j’ai été ministre. Et je vis cela comme une chance, une responsabilité, un honneur. Aujourd’hui, je n’ai pas de visées. Lorsque j’étais ministre et que j’ai su que le poste de représentant du Conseil de l’Europe au Comité exécutif de l’AMA était vacant, je me suis dit que la tâche m’attirait. Il y a eu une opportunité, cela a fonctionné et m’a passionné. Je suis persuadée que la présidence du Comité SRM va me passionner de la même façon. Mais je n’écris jamais les pages suivantes à l’avance.